SE DÉSHABILLER EN HIVER, LE CHOIX DE CERTAINS ARBRES

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Les journées raccourcissent et que le temps se refroidit. Pour passer au travers de l’hiver, les arbres ont deux grands modes d’adaptation : soit habillé ou nu. Certains arbres vont ainsi perdre leurs feuilles avant l’hiver et d’autres vont les garder. Comment les arbres peuvent-ils survivre en choisissant ces deux adaptations si différentes face à l’hiver ? 

Arbres nus 

Les arbres qui perdent leurs feuilles une fois par an, à l’approche de l’hiver, s’appellent « caducs ». Au Québec, ce sont tous les feuillus, comme les érables, et une espèce de conifère (le mélèze) qui sont des arbres caducs. Ces arbres commencent à perdre leurs feuilles en automne et au printemps prochain, de nouvelles repoussent. 

Par chance pour l’arbre qui s’apprête à se dévêtir, tout le contenu de la feuille tombée n’est pas perdu. Avant de se décrocher, la feuille transmet certains de ses éléments essentiels, comme le potassium, à l’arbre. On appelle cela la translocation. Ainsi, même sans ses feuilles, l’arbre a une réserve pour passer l’hiver. 

Pourquoi tombent-elles ? Pour différentes raisons. D’abord, les feuilles occupent une grande surface, donc la neige peut facilement s’y déposer. Avec l’accumulation de neige et de glace, le poids supplémentaire pourrait casser des branches. Aussi, la forme circulaire de plusieurs arbres feuillus favorise la stagnation de la neige. [1]

Ensuite, en hiver, il y a moins d’eau accessible puisqu’elle gèle en grande partie. Garder son eau déjà accumulé pendant l’automne est donc essentiel. Les feuilles possèdent plusieurs petites ouvertures, appelées stomates, qui servent, entre autres, à libérer des molécules d’eau lors de la respiration cellulaire. Si les feuillus gardaient leurs feuilles en hiver, il y aurait nécessairement une grande perte d’eau par ces ouvertures. 

Image de Jill Wellington, Pixabay

Arbres habillés 

Les arbres qui gardent leurs feuilles pendant l’hiver s’appellent « sempervirent ». Au Québec, il s’agit des conifères, comme le sapin. Ces arbres au lieu de porter de grandes feuilles, ont des petites feuilles modifiées que l’on nomme couramment aiguilles.  

Les aiguilles possèdent moins d’ouvertures pour faire sortir l’eau. En plus, les ouvertures ne sont pas à la surface, mais au creux de l’aiguille. Cela forme un dôme humide où il y a moins de perte d’eau. [2] Autre élément qui réduit les pertes en eau des aiguilles, la couche cireuse qui recouvre chacune d’elle tel un imperméable. 

Les conifères ont aussi une forme qui limite l’installation de la neige et la glace. La forme triangulaire agit comme le toit de nos maisons : elle fait glisser la neige vers le bas. Aussi, la petite surface des aiguilles offre un support médiocre aux flocons en quête d’un appui. [2] 

Image de V. Denzel, Pexels

Distribution de l’énergie 

Les arbres caducs en perdant leurs feuilles à chaque année se protègent entre autres de la perte d’eau. Cependant, cette perte annuelle de feuille signifie aussi qu’il faut fabriquer une quantité énorme de nouvelles feuilles à chaque printemps. Ces arbres dépensent ainsi énormément d’énergie pour retrouver leurs feuilles rapidement. 

De l’autre côté, les arbres sempervirents utilisent leur énergie de façon graduelle pour fabriquer des feuilles plus tenaces qui vont durer dans le temps. [3]

Seule une espèce ne suit pas le groupe. Comme dit plus tôt, les feuillus perdent leurs feuilles en hiver, et les conifères les gardent, sauf pour le mélèze ! Ce conifère est le seul au Québec à perdre ses feuilles l’hiver. Il a combiné les deux stratégies. Il possède de petites aiguilles recouvertes de cire, mais il les perd en hiver. Cette adaptation lui permet de vivre dans des environnements extrêmes comme haut dans les montagnes, du Canada et de la Sibérie. Il peut aussi tolérer des températures de -50°C et y vivre vieux, jusqu’à 800 ans ! [4]

Les arbres sont des êtres vivants magnifiques et souvent de grande taille. Comprendre leur mode de vie aide à reconnaitre la résilience qu’ils possèdent face aux changements climatiques et à la crise de la biodiversité. Par exemple, avec l’augmentation du CO2 dans l’air en Californie, les plantes se sont adaptées sur 150 ans en réduisant leur nombre de stomates et en modifiant la grosseur de l’ouverture de celles-ci [5]. Lors de votre prochaine sortie dans la neige, pensez-y ! 

Image de Jan Meyes, Pixabay

 

[1] Parlons science. (s.d.) Comment les arbres survivent-ils à l’hiver ? [En ligne]. https://parlonssciences.ca/ressources-pedagogiques/les-stim-expliquees/comment-les-arbres-survivent-ils-a-lhiver#:~:text=Alors%2C%20comment%20r%C3%A9sistent%2Dils%20au,entra%C3%AEnant%20une%20perte%20d%27eau

[2] Association forestière du sud du Québec. (s.d.) L’arbre, d’hier à aujourd’hui. [En ligne]. https://www.afsq.org/fr/trouver-de-linformation-1/copie—l-arbre-d-hier-a-aujourd-hui

[3] Bouchard, É. (2020). Perdre ou ne pas perdre ses feuilles. [En ligne]. https://paqlab.uqam.ca/articles/news_2020-10-29.pdf

[4] Riou-Nivet, P. (2001). Le melèze. [Livre en ligne]. https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=lWo9reWvG2wC&oi=fnd&pg=PA8&dq=meleze&ots=s7lYiZAZ_1&sig=7xxboZDwibxBmrpNOkdvM-HR41U&redir_esc=y#v=onepage&q=meleze&f=false

[5] Lammersta, E. (2011). Global CO2 rise leads to reduced maximum stomatal conductance in Florida vegetation. [En ligne]. https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1100371108

 

Texte de Audrey Thériault