POLLUTION LUMINEUSE ; UN DÉRANGEMENT POUR LES PLANTES ET LES ANIMAUX

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À Sherbrooke autour du Mont-Bellevue ou aux MRC du Haut Saint François et du Granit autour du Mont-Mégantic des efforts ont été mis en place pour retrouver le ciel étoilé. L’objectif principal est de permettre à la population d’admirer les étoiles. Ces initiatives d’abord humaines ont aussi des impacts sur les espèces vivant sur le territoire, autant végétales que animales, mais d’autres solutions sont aussi à notre disposition. 

L’alternance présence/absence de lumière agit comme une horloge sur les activités biologiques du vivant. Vous-est-il déjà arrivé de rester éveillé devant un écran ou à lire avec la lumière ouverte une bonne partie de la nuit? Le lendemain on en ressent les effets, mais imaginer si cela se répétait tous les jours! C’est un peu ce qui arrive aux plantes et animaux avec la pollution lumineuse. Celle-ci se définit comme « la lumière qui est projetée vers le ciel par l’éclairage des routes, commerces, maisons, fermes et monuments historiques, et qui rend difficile ou même impossible l’observation des étoiles et de la Voie lactée.», selon le MELCCFP [1]. Ainsi, il y a de la lumière non naturelle persistante la nuit qui vient « polluer » le lieu de vie de plusieurs espèces. Cela module l’expression génétique, les niveaux hormonaux, la durée des activités, leurs comportements et d’autres aspects de la vie [2]. 

Image d’Alex Fu

Impacts sur les plantes 

La pollution lumineuse peut causer une perte précoce de feuille ou peut repousser la tombée des feuilles à l’automne[3]. La présence de lumière artificielle toute l’année à la noirceur peut aussi rallonger la saison de croissance [3].  Les plantes pourraient aussi modifier leur phénologie, soit le moment où chaque étape de vie arrive, comme la floraison, et durée de ces étapes, en raison de cette modulation non naturelle de la période de clarté [2]. 

Image d’Audrey Thériault

Impacts sur les animaux 

La pollution lumineuse peut perturber l’effort de reproduction et limiter le nombre de naissance, par exemple chez les tortues [2][3][4] La présence de source de lumière du côté opposé à la mer complique aussi l’entrée à l’eau des jeunes tortues puisque celles-ci se diriger vers la terre ferme plutôt qu’en direction de l’eau. Chez les mouches et chez d’autres insectes, la lumière des lampadaires ou d’autres ampoules extérieures peut les épuiser, les brûler ou les tuer, puisqu’elles sont inévitablement attirées par la lumière [5]. La lumière artificielle peut aussi augmenter la prédation ou décaler le moment de chasse des prédateurs, par exemple, les insectes qui virevoltent autour des lampadaires sont plus visibles et sont très nombreux, une aubaine pour les oiseaux insectivores et chauves-souris qui n’ont donc aucun effort à trouver de quoi manger. Cela peut même amener certaines espèces insectivores à choisir de s’établir dans des territoires de moins bonne qualité parce que la lumière attire les proies ou les rend plus visibles [6] . Cela peut même modifier les moments où elles vont se nourrir. 

Cette lumière peut aussi perturber la migration des oiseaux et poissons. Ainsi, ils se fatiguent en se déplaçant dans la mauvaise direction, ce qui réduit l’énergie disponible pour réaliser les activités vitales, comme la recherche de nourriture. Une étude a observé une augmenter du temps d’activités des oiseaux diurnes (qui vivent le jour) et une diminution du temps de sommeil, en présence de lumière artificielle. Au contraire, chez les rongeurs, autant diurnes que nocturnes, il y a une diminution du temps d’activité en présence de pollution lumineuse. [2][3] Chez les amphibiens, la lumière artificielle peut imposer un stress supplémentaire. C’est parce que ces organismes utilisent la lumière du Soleil pour réchauffer leur peau, un surplus de lumière risque d’assécher leur peau par le fait même [7].

Image de Nurefşan Koşar

La pollution lumineuse impacte plusieurs espèces, mais elle peut aussi occasionner plusieurs impacts sur une même espèce, ou groupes d’espèces. Par exemple, les papillons sont attirés par la lumière qui les dévie de leurs activités normales. Ils restent donc de longues périodes à virevolter face à un lampadaire, comme hypnotisés, sans jamais s’y détacher. Cela les rend plus vulnérables à la prédation [8][9]. La lumière va aussi modifier leur perception des fleurs et pourrait donc amener les papillons à butiner des fleurs moins nutritives. La lumière va aussi changer l’allure des papillons et du reste de l’environnement ce qui peut tromper celui-ci à tenter de se reproduire avec un objet qu’il croit être un papillon [8][10]! La lumière vient aussi artificiellement rallonger les journées ce qui peut tromper les papillons et les incite à initier certaines activités au mauvais moment, comme la migration [8][11]. Le rallongement des journées par la lumière artificielle peut aussi rallonger la période de butinage des papillons qui leur permet de se nourrir plus longtemps [8].

Photo prise d’Audrey Thériault dans le portique d’une maison. Le papillon a été attiré par la lumière en pleine nuit et ne voulait pas s’en aller. Photo de Simon Laverdière.

Solutions 

Plusieurs pistes sont envisageables pour réduire la pollution lumineuse. Individuellement on peut éteindre ses lumières extérieures, choisir des lampes qui contraignent la lumière dans un plus petit rayon, choisir des ampoules moins intenses en luminosité ou choisir des ampoules aux longueurs d’onde moins dérangeantes pour la faune, ou encore, acheter des lumières qui ne s’allument que lorsqu’un mouvement est détecté. Au niveau de l’aménagement du territoire, nous pourrions faire pression pour éteindre les lumières des commerces et des terrains sportifs la nuit ou proposer la création d’une Réserve de ciel étoilé comme l’a fait le Mont-Mégantic. Visitez le site Ciel Étoilé Mont Mégantic pour obtenir des précisions sur les solutions disponibles comme le type d’ampoule, l’intensité, les couleurs et la température optimale. 

La lumière le soir est essentielle à la sécurité routière et offre de nombreux avantages pour les humains qui travaillent ou se déplacent de nuit. Cependant, il faut être conscient que nous partageons notre environnement avec nombre d’espèces et que leur bien-être est aussi important que le nôtre. 

Image de Maurício Mascaro

 

[1] Environnement, Lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs (ELCCFP). (2024). La pollution lumineuse? Éclaire ta lanterne!. Gouvernement du Québec. www.environnement.gouv.qc.ca/jeunesse/chronique/2005/0503-causes.http

[2] Sanders, D. et al. (2020). A meta-analysis of biological impacts of artificial light at night.Nat Ecol Evol 5, 74–81. https://www.nature.com/articles/s41559-020-01322-x

[3] Hölker, F. et al. (2010). Light pollution as a biodiversity threat. A Cell Press journal. Volume 25, P681-682. 10.1016/j.tree.2010.09.007

[4] Dominoni, D. M. et al. (2015). Social cues are unlikely to be the single cause for early

reproduction in urban European blackbirds (Turdus merula). Physiology & Behavior 142 : 14-19. DOI: 10.1016/j.physbeh.2015.01.026

[5] Russ, A. et al. (2015). Seize the night: European Blackbirds (Turdus merula) extend their foraging activity under artificial illumination. Journal of Ornithology 156 : 123-131. DOI: 10.1007/s10336-014-1105-1

[6] McDonnell, M. et al. (2009). Ecology of Cities and Towns. Cambridge University Press,

Cambridge.10.1017/CBO9780511609763

[7] Gorenzel, W. P., et T. P. Salmon. (1995). Characteristics of American crow urban roosts in California. The Journal of Wildlife Management 59 : 638-645. https://www.jstor.org/stable/3801939

[8] Seymoure B. M. (2018). Enlightening Butterfly Conservation Efforts: The Importance of Natural Lighting for Butterfly Behavioral Ecology and Conservation. Insects 2018, 9, 22; doi:10.3390/insects9010022

[9] Beshkov, S. (1995). Butterflies and day-flying moths in light traps (Lepidoptera). Phegea, 3, 118–120. https://www.researchgate.net/publication/312027602_Butterflies_and_day_flying_moths_at_light_traps_Lepidoptera

[10] Kinoshita, M. et al. (1999). Colour vision of the foraging swallowtail butterfly Papilio xuthus. J. Exp. Biol. 1999, 202, 95–102. DOI: 10.1242/jeb.202.2.95

[11] Asch. V. (2007). Phenology of Forest Caterpillars and Their Host Trees: The Importance of Synchrony. Annu. Rev. Entomol. 2007, 52, 37–55.  10.1146/annurev.ento.52.110405.091418

 

Texte d’Audrey Thériault